Comprendre la notion juridique Affectio Societatis

par | Juil 21, 2023 | Entreprendre | 0 commentaires

En droit des sociétés, l’affectio societatis est une notion juridique fondamentale mais souvent méconnue du grand public. Cependant, elle est couramment utilisée par les avocats spécialisés en droit des sociétés pour aider leurs clients à créer et gérer leur entreprise. En effet, elle représente une composante cruciale qui peut impacter l’existence même de la société ainsi que la relation entre les associés. Dans cet article, vous trouverez la définition de l’affectio societatis ainsi que son importance dans la création et le fonctionnement d’une entreprise. Nous aborderons également les causes et les conséquences de sa disparition

Comprendre l’affectio societatis en droit des sociétés

Dans un contrat de société, l’affectio societatis désigne un élément spécifique et obligatoire qui reflète l’intention et la volonté de s’associer. En effet, la jurisprudence est unanime à affirmer que la création d’une société nécessite cette volonté de collaborer. Elle définit cette notion de trois manières différentes.

La première définition stipule que l’affectio societatis correspond à la « volonté de se regrouper pour mettre en valeur et gérer un patrimoine » (Cf : Cass. com., 15 mai 1974, no 72-12.797). En d’autres termes, les associés s’engagent à collaborer pour gérer un bien commun et en tirer des profits équitables.

La deuxième définition souligne que l’affectio societatis correspond à la « volonté de collaborer activement et de manière intéressée et égalitaire » (Cf : Cass. Civ. 1ère, 1er oct. 1996, n° 94-19.530). Cela signifie que chaque associé est impliqué et investi dans l’entreprise et que tous ont les mêmes droits et responsabilités.

La troisième définition précise que l’affectio societatis est la « volonté non équivoque de tous les associés de collaborer ensemble et sur un pied d’égalité à la poursuite de l’œuvre commune » (Cf : Cass. Com., 3 mars 2021, n° 19-10.693). Cette définition met l’accent sur l’importance de l’entente entre les associés, qui doivent travailler en harmonie pour atteindre des objectifs communs.

Ces trois formulations permettent de dégager deux composantes principales de l’affectio societatis : la volonté de travailler ensemble et une vision commune intéressée. En somme, l’affectio societatis représente la volonté de collaborer de manière équitable, sans aucune disparité ni déséquilibre, dans le but de réaliser des bénéfices.

L’importance de l’affectio societatis dans la création et le fonctionnement d’une société

Dans la création et le fonctionnement d’une société, l’affectio societatis joue un rôle très important. Cette expression désigne la volonté réelle et active des associés de travailler ensemble dans le but de réaliser un objectif commun. Dès la conclusion du contrat de société, tous les associés doivent démontrer cette volonté et s’engager à se partager les bénéfices issus des activités de l’entreprise. Il est donc primordial que chaque associé participe activement à la gestion en démontrant une volonté de partager les risques de perte et les chances de gain, conformément à l’article 1832 du Code civil.

Si l’un des associés poursuit un objectif personnel plutôt que de travailler en collaboration pour réaliser l’objectif commun, le juge peut décider d’invalider la société. La Cour de cassation peut également invalider les « clauses léonines », qui visent à priver un associé de toute chance de profit ou à garantir l’un des associés contre le risque de perte.

En cas de contentieux, les associés doivent prouver l’existence de l’affectio societatis pour éviter que le contrat de société ne soit déclaré nul. Dans un arrêt du 3 mars 2021 (Cass. Com., n° 19-10.693), la Cour de cassation a jugé que l’absence d’accord sur l’objet d’une société en cours de création équivaut à l’inexistence d’affectio societatis.

Supposons que vous faites partie d’une société qui vient d’être créée. Il se peut qu’une tierce personne tente de faire annuler le contrat de société pour défaut d’affectio societatis. Dans ce cas, vous et vos associés devez prouver son existence afin d’éviter l’annulation du contrat de société.

La disparition de l’affectio societatis : causes et conséquences

Selon l’article 1844-7 du Code civil, la disparition de l’affectio societatis peut entraîner la dissolution de l’entreprise, qui peut se faire de deux manières différentes.

La première est la dissolution conventionnelle, qui permet aux associés de mettre fin à la société à tout moment de son existence. Au cours d’une assemblée générale extraordinaire, les associés désignent un liquidateur qui s’occupera de régler les dettes et de réaliser le passif et l’actif de la société. Une fois que le dossier de dissolution est constitué, il est remis au greffe du tribunal de commerce.

La seconde est la dissolution judiciaire. L’un des associés peut la demander s’il constate qu’un ou plusieurs autres associés refusent d’exécuter leurs obligations. Cette option peut également être envisagée en cas de conflit entre les associés, qui bloque le fonctionnement de la société. À ce sujet, la Cour de cassation précise qu’un désaccord ne peut être cité comme motif de dissolution judiciaire que s’il provoque une paralysie de la société (cf. Cass. com. 16/03/2011). Le juge ne peut trancher en faveur de la dissolution qu’en présence de preuves irréfutables sur la mauvaise gestion des affaires courantes de la société.

Si vous rencontrez une telle situation dans votre entreprise, il convient de contacter un avocat compétent en droit des sociétés. Ce dernier sera en mesure d’appréhender les conséquences de la perte de l’affectio societatis sur votre société et de vous accompagner tout au long de la procédure.

Le cas particulier du conflit des associés

Un défaut d’affectio societatis impacte forcément sur la société et les associés. En cas de conflit entre les associés, deux scénarios peuvent se présenter : soit les associés se séparent sans dissoudre la société, soit ils conviennent d’une dissolution.

Si un associé souhaite se retirer de la société, il doit respecter des règles spécifiques à la cession de parts sociales. Ces dernières constituent des titres sociaux non négociables que les sociétés commerciales et civiles et commerciales émettent. Ainsi, le démissionnaire doit remplir des conditions de forme, notamment l’exigence d’un écrit. De plus, il doit également déclencher la procédure d’agrément si une clause en ce sens est prévue par les statuts de la société.

Par ailleurs, les modalités de cession d’actions ou de parts sociales dépendent du type de société. Les statuts varient généralement en fonction de la forme que celles-ci adoptent : SARL, SCS, SNC, etc.

La pertinence actuelle de l’affectio societatis

L’affectio societatis est-elle toujours adaptée à la réalité économique et juridique actuelle ou est-elle obsolète ? Cette question est difficile à trancher en raison de l’apparition de nouvelles formes de sociétés et de l’évolution du droit des sociétés. Deux éléments semblent toutefois indiquer que l’affectio societatis a perdu en pertinence ces dernières années.

D’une part, les sociétés par actions simplifiées unipersonnelles (SASU) et les entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée (EURL) sont des exemples de sociétés à un seul associé, où l’associé unique occupe les fonctions de dirigeant et d’assemblées. Dans ces cas, comment peut-on respecter l’affectio societatis, qui implique une collaboration pour atteindre un objectif commun, s’il n’y a qu’un seul associé ? Certes, il y a un paradoxe, mais l’article 1832 du Code civil autorise cette situation.

D’autre part, dans le cas des entreprises à capitaux, en particulier les sociétés anonymes (SA), l’affectio societatis perd son caractère personnel. Cela est dû au fait que lorsque la société est cotée en bourse, l’objectif principal des investisseurs est de maximiser leurs gains financiers. Par conséquent, l’intuitu personae est remplacé par « l’intuitu pecuniae », où le profit est privilégié au détriment de l’aspect personnel de l’affectio societatis.

En fin de compte, il est vrai que l’on peut remettre en question la pertinence de l’affectio societatis dans certaines sociétés d’un point de vue théorique. Son existence reste toutefois une condition que la jurisprudence apprécie attentivement puisqu’elle permet d’examiner la validité d’un contrat de société.